L’éducateur climatique : une nouvelle figure pour un défi complexe
L'éducateur climatique : une nouvelle figure pour un défi complexe
La crise climatique est un défi mondial qui exige de repenser en profondeur la façon dont nous vivons, travaillons et interagissons avec notre planète. Pour y faire face, il ne suffit pas de s’appuyer sur des solutions technologiques ou des politiques éloignées de la vie quotidienne. Ce qu’il faut, c’est une éducation capable d’impliquer les gens dans leur contexte le plus immédiat, en rendant la question du climat accessible, concrète et liée aux expériences de chacun. C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet « Tiers-lieux climatiques », et en particulier la figure de l‘Educateur climatique.
L’éducateur climatique, du projet Climate Third Places, n’est pas seulement un expert en changement climatique ou en pédagogie. C’est un facilitateur du changement, une personne capable de faire le lien entre les connaissances techniques et scientifiques et les préoccupations et les aspirations des gens ordinaires. Son rôle est particulièrement important dans les « tiers lieux », ces espaces de socialisation et d’interaction informels tels que les cafés, les parcs publics ou les bibliothèques. C’est là, en dehors des contextes institutionnels et formels, que se nouent des relations de confiance et que s’ouvrent des possibilités de dialogue qui peuvent devenir un terreau fertile pour l’éducation climatique.
L’approche conçue et utilisée dans le projet, qu’on a nommée Design Appréciatif, est au cœur de ce processus. Cette méthodologie, née de la rencontre entre le Design Thinking et l’Appreciative Inquiry, se concentre sur l’exploitation des ressources et des expériences positives déjà présentes dans son contexte d’action, au lieu de se focaliser sur les problèmes existants. En d’autres termes, elle part de la reconnaissance des forces existantes pour générer des changements significatifs. Dans le cas de l’éducation climatique, cela signifie qu’il ne suffit pas d’informer les gens sur ce qui arrive à la planète, mais qu’il faut aussi les impliquer activement, en s’appuyant sur leurs motivations et leurs compétences existantes.
Compétences clés pour l’éducation au climat
Afin de délimiter le profil de l’éducateur climatique, notre communauté s’est d’abord appuyée sur les 8 compétences clé définies par l’UNESCO pour la réalisation des Objectifs de développement durable (UNESCO, 2017, Education pour les Objectifs de développement durable : Objectifs d’apprentissage). Ces compétences sont fondamentales pour promouvoir une éducation capable de conduire à un réel changement comportemental et collectif :
1. Compétence systémique : elle permet une approche intégrée des réalités économiques, sociales, environnementales et culturelles, en reliant les phénomènes locaux et globaux, en abordant la complexité.
2. Compétence prospective : elle permet de conceptualiser différents avenirs possibles, de relier les processus à court et à long terme, de comprendre les risques, de faire face à l’incertitude.
3. Compétence critique : permet de remettre en question les normes, pratiques et opinions existantes, de clarifier ses propres perceptions et actions, d’adopter des positions bien argumentées.
4. Compétence éthique : permet de remettre en question les valeurs et les principes qui encouragent ou désapprouvent certaines actions, de négocier des objectifs qui peuvent être considérés comme responsables.
5. Compétence stratégique : permet de mettre en œuvre des plans efficaces pour le développement durable en relation avec différentes parties prenantes, dans un contexte d’intérêts convergents et divergents.
6. Compétence de collaboration : permet l’apprentissage mutuel, la compréhension des différentes perspectives et la coordination par la participation et le dialogue, en s’appuyant sur les complémentarités existantes.
7. Compétence en matière de conscience de soi : permet de clarifier ses propres attentes en matière de développement de la société, de gérer ses propres émotions et désirs, de corriger progressivement ses propres actions.
8. Compétence en matière de résolution de problèmes : permet d’appliquer des cadres de solutions variés à des problèmes complexes, de concevoir des options adaptées et viables.
Une éducation basée sur l’empathie
La première qualité qui définit l’éducateur climatique est l’empathie. Loin du rôle traditionnel du « professeur expert », l‘éducateur doit avant tout être à l’écoute. Cela signifie qu’il doit faire preuve d’empathie à l’égard de son public, comprendre ses préoccupations et reconnaître ses limites ou ses difficultés à percevoir l’urgence du changement climatique. La méthode de Design appréciatif suggère de s’immerger dans le contexte local, d’observer et de participer à la vie de la communauté, afin de comprendre quelles ressources existantes, mais latentes peuvent être exploitées.
Imaginons par exemple un café dans un petit quartier urbain. Le propriétaire est une personne qui se préoccupe beaucoup de l’environnement, mais les clients ne parlent jamais des questions climatiques. Un éducateur climatique empathique observe, participe à la vie du café et découvre que de nombreux clients sont des parents préoccupés par la santé de leurs enfants. À partir de cette motivation, l’éducateur peut entamer des conversations sur l’impact du changement climatique sur la santé, en utilisant un langage et une approche qui s’appuient sur les préoccupations déjà présentes, plutôt que d’imposer un récit scientifique lointain venu d’en haut.
Compétences GreenComp : un cadre d’action
Les compétences requises pour l’éducateur climatique trouvent une orientation solide dans le cadre européen GreenComp, qui organise les compétences en matière de durabilité en quatre domaines principaux : les valeurs, la complexité, l’avenir et l’action. Ces compétences ne sont pas seulement consolidées théoriquement, mais aussi profondément pratiques : l’éducateur climatique doit être capable de valoriser la durabilité dans son discours et ses actions de tous les jours, de comprendre la complexité des interactions entre les systèmes naturels et sociaux, d’utiliser sa capacité à imaginer des avenirs durables. Mais surtout, elle doit traduire cela en actions concrètes, en inspirant à la fois l’action collective et l’initiative individuelle.
Dans le contexte du Design appréciatif, le cadre GreenComp trouve une application pratique. Par exemple, l’une des étapes centrales de la méthode est la co-création : l’éducateur n’impose pas de solutions, mais facilite un processus de découverte collective, dans lequel la communauté elle-même imagine et développe des actions concrètes pour relever les défis climatiques. Dans un café ou une bibliothèque, cela peut se traduire par la création d’ateliers participatifs où les clients eux-mêmes proposent des idées pour réduire l’empreinte écologique du lieu et le rendre plus durable. Grâce à l’approche empathique et participative, ces actions deviennent plus pertinentes et plus durables à long terme.
Le pragmatisme et la flexibilité de l’éducateur climatique
Outre l’empathie, l’éducateur climatique doit être pragmatique. Toutes les solutions ne sont pas applicables partout, et l’éducateur doit être capable d’adapter ses plans aux ressources disponibles et au contexte spécifique. Un éducateur travaillant dans une communauté rurale, par exemple, peut constater que l’accès aux ressources est limité, et donc proposer des solutions simples et réalisables, comme la collecte des eaux de pluie pour résoudre les problèmes de gestion de l’eau, plutôt que de grands projets d’infrastructure.
En outre, l’éducateur doit être flexible. L’adaptabilité, l’une des compétences GreenComp, requiert la capacité de modifier son approche en fonction des réactions du public et de l’évolution du contexte. Par exemple, si au cours d’un atelier dans un parc public, on se rend compte que l’intérêt de la communauté est plus orienté vers la préservation de la faune locale que vers les questions plus générales du changement climatique, l‘éducateur doit être prêt à réorienter la conversation, en tirant parti de cet intérêt spécifique pour faire émerger un discours plus large sur la crise de l’environnement.
Créer ensemble des visions d’avenir
L’un des aspects les plus importants de l’éducation au climat dans le cadre du projet « Tiers lieux climatiques » est la capacité d’imaginer et de construire ensemble des visions positives de l’avenir. Être visionnaire, comme le suggère GreenComp, ne signifie pas seulement prêcher un avenir durable, mais impliquer les gens dans un processus de co-création, où chaque participant se sent partie prenante du changement. Grâce au Design appréciatif, ce processus est hautement participatif : l’éducateur guide la communauté dans la reconnaissance de ses propres ressources, aspirations et possibilités concrètes de transformation.
L’éducateur climatique, catalyseur de changement
Dans le projet Climate Third Places, l’éducateur climatique ne se contente pas de communiquer des informations, il est un catalyseur de changement, un professionnel capable d’écouter, de s’engager et d’inspirer. Grâce à la méthode Appreciative Design et aux compétences décrites dans GreenComp, l’éducateur travaille main dans la main avec la communauté, construisant ensemble des chemins concrets vers la durabilité.
Grâce au Design appréciatif, l’éducateur développe et met en œuvre cinq compétences de base qui amplifient l’impact de ses initiatives.
- Empathie : essentielle pour tisser des liens profonds et comprendre les préoccupations locales, l’empathie permet à l’éducateur de personnaliser son approche, en répondant aux besoins émotionnels et pratiques du public. Par exemple, l’éducateur écoute et observe la communauté avec laquelle il travaille, identifiant les motivations profondes, telles que la santé des proches ou le désir d’une ville plus verte. Cette connexion émotionnelle stimule un dialogue authentique et fait émerger des idées qui résonnent vraiment avec les gens.
- Perspicacité : l’éducateur est capable de saisir les ressources latentes et les motivations profondes des personnes concernées, de comprendre les tendances et les besoins locaux qui influencent la façon dont les gens perçoivent le changement climatique. Cette capacité de lecture approfondie lui permet de concevoir des interventions éducatives ciblées et personnalisées qui répondent aux besoins réels de la communauté et encouragent une participation active.
- Vision : l’éducateur imagine et construit des scénarios d’avenir positifs avec la communauté, où la durabilité et la justice climatique sont une réalité partagée. Cette approche visionnaire ne se contente pas d’inspirer les autres, mais mobilise les énergies collectives pour réaliser des actions concrètes. Dans les Tiers Lieux, l’éducateur ne se contente pas de présenter les problèmes, il incite la communauté à imaginer et à rechercher un avenir plus équitable, capable de répondre aux besoins actuels et d’inspirer un changement durable.
- Pragmatisme : la compétence pragmatique se manifeste par la capacité à traduire les idées en actions concrètes et adaptables. L’éducateur, conscient des ressources et des limites du contexte, facilite la création de projets simples mais incisifs, tels que l’installation de conteneurs de récupération d’eau de pluie dans les quartiers à faible disponibilité d’eau. Cette approche permet d’obtenir des résultats tangibles et de maintenir la motivation du groupe.
- Confiance en soi : la confiance en soi permet à l’éducateur de communiquer avec clarté et conviction, ce qui motive la communauté à prendre des mesures concrètes. Cette compétence inspire confiance et crédibilité, faisant de l‘éducateur un point de référence pour ceux qui souhaitent contribuer au changement. Une présence confiante favorise un environnement d’apprentissage positif et stimule la participation active.
Alors, l’éducateur climatique, avec le soutien de l’Appreciative Design, ne se contente pas de sensibiliser, mais transforme les tiers-lieux en catalyseurs potentiels d’une transformation climatique et sociale.
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